Dans l'mille Emile !
Allez en mai, je vous fais une petite série de titres super classes ! Bon, un peu de sérieux, aujourd'hui, pas de pattes de boutonnages, de problèmes de braguette ou d'aiguilles, parlons un peu de livres voulez vous ? J'étais sur le point de lancer un grand appel au peuple : "à l'aide, je ne sais plus quoi lire !". Juste une petite parenthèse. Je crois que plus ça va, plus j'aime vous demander votre avis. Vous savez que je me sers toujours des recettes que je vous avais demandées l'année dernière ? Et puis qu'est-ce que j'ai pu rire en lisant la liste des "trucs immondes qu'on déteste faire à la maison" (je notre que le repassage et le récurage arrivent très en haut), j'aime bien ça : "l'élan collectif du commentaire".
Enfin je m'égare. C'est qu'il m'est arrivé quelque chose de pas banal cette année. J'ai lu un des plus beaux livres de ma vie. Si si. Hein ? Non, je suis à jeun, je vous assure. Le livre, c'est Les disparus, de Daniel Mendelsohn. Je suis sûre que vous en avez entendu parler. On peut le présenter très simplement : un homme veut connaître la vérité sur l'histoire de son grand Oncle, tué par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale. Expliquer pourquoi ça m'a autant plu est un chouïa plus compliqué. A dos du livre, il y a, comme d'habitude, le résumé, et des avis de lecteurs plus ou moins célèbres. Parmi ces citations, il y en a une qui me plaît beaucoup. Je n'ai pas le livre sous la main, mais ça dit à peu près ça : c'est à la fois très intime et universel. Il parle de sa famille, de personnes qui ont existé, de son enfance, avec, effectivement, beaucoup de tendresse, d'intimité. Mais cette intimité nous parle à tous. Au delà de son obsession -comment, quand, où sont-ils morts- il pose une question qui me touche infiniment : qui étaient-ils, comment vivaient-ils ? Les "détails périphériques" qu'il glane au gré de ses voyages ("ils mangeaient les premières fraises") m'ont émue aux larmes. C'est cet accord qui est assez incroyable : son livre est une épopée, au sens propre, un voyage qui le porte aux quatre coins du monde, une course de fond, une course contre la montre également, une enquête particulièrement haletante (avec le rythme qui s'accélère à la fin, on se retient de sauter quelques dizaines de pages, pour voir si ... chuuuutchuuuut, non je ne dirai rien), mais qui reste très attentive à ce genre de détails. Et puis il y a les photos de son frère, qu'il a embarqué dans l'aventure. De petits formats en noir en blanc, auxquels on ne porte pas vraiment attention au départ, mais dont on découvre la portée au fur et à mesure, sur lesquels ont revient en avançant dans le livre. J'ai eu la chance, l'année dernière, de voir une exposition des clichés de Roman Vishniac au musée d'art et d'histoire du judaïsme qui s'appelait "un monde disparu". Le photographe, explique se démarche (parcourir le "Yiddishland" au milieu des années 30, ce qui n'était pas, à proprement parler la balade rêvée pour un juif russe) de cette façon "Il fallait le faire. Je sentais que le monde allait être happé par l'ombre démente du nazisme et qu'il en résulterait l'anéantissement d'un peuple dont aucun porte-parole ne rappellerait le tourment. Je savais qu'il était de mon devoir de faire en sorte que ce monde disparu ne s'efface pas complètement..."
"Que ce monde disparu ne s'efface pas complètement..." C'est précisément là l'oeuvre de Mendelsohn (punaise, faut que j'arrête, on a l'impression que je prépare une dissert...) enfin, il va plus loin. A force de rencontres, de recherches, de hasards ce monde disparu revit.
Alors bon...qu'est-ce que vous voulez lire après ça ?... Pas facile. J'ai commencé par du léger, hop, un coup de Laurie Colwin particulièrement bien venu. Et puis un ou deux livres indiens laissés au bout de 50 pages. Un peu la honte. Et puis hier soir, je me suis dit "aux grands maux les grands remèdes", zou, un Zola, je n'ai pas eu mon quotta cette année. Moumouche (qui doit être la seule à avoir résisté à un compte rendu de lecture sur la Shoah un vendredi matin) m'avait laissé Thérèse Raquin. Oui, je sais, c'est nul, je n'avais jamais lu Thérèse Raquin. Alors je m'installe, ouvre le vieux livre de poche, me régale de la première page et arrive à ça "Il y a quelques année, en face de cette marchande, se trouvait une boutique dont les boiseries d'un vert bouteille suait l'humidité par toutes leurs fentes. L'enseigne, faite d'une planche étroite et longue, portait, en lettres noires, le mot : mercerie, et sur les vitres de la porte était écrit le nom d'une femme : Thérèse Raquin, en caractères rouges."
Je souris, me cale avec un plaisir infini sur mon oreiller... Toujours faire confiance à Emile !