Fantasme
Qu'est-ce que je peux être de mauvaise foi avec ceux que j'aime. Forcément. Forcément de mauvaise foi.
Tous les jours j'entretiens soigneusement le petit piédestal sur lequel je le place. C'est comme ça. Je suis une amoureuse qui admire. Toujours. Je ne suis pas de celles qui prennent sous leurs ailes, maternent, "font" les hommes. Non, mais j'admire. Avec soin, dévotion, je me pâme. Je tresse les auréoles. Je bouche les failles, colle les rustines dans les moments de doutes. Repeins de couleurs flamboyantes les guerriers fatigués.
Et puis parfois, malgré tous ces efforts de fourmi dévote, tout se fissure et s'effondre. Lundi matin, en écoutant ma radio un gouffre s'est ouvert sous mes pieds. Enrico, MON Enrico a chanté une déclaration à Sarkozy. Le traître. Après toutes ces années à affronter le fiel des sarcasmes. A une époque où il ne donnait pas du tout du tout dans la musique arabo andalouse unplugged. A une époque où il ne ressemblait à rien. Le salopard.
Ne jamais se laisser abattre par un salopard. Alors je me suis mise à la recherche de mon nouveau fantasme. Ne pas attendre une seconde de plus. Ça lui ferait trop plaisir. Ne pas chercher dans ma réserve habituelle de bellâtres à cils de gazelles. Frapper un grand coup, par surprise. Ce sera Belmondo.
Avant d'éteindre la télé, hier soir, je suis tombée sur un singe en hiver, et je me suis dit que c'était un fantasme tout à fait honorable. Voilà.