Micro lamento
Le 27 Novembre 2006
Conter, raconter la beauté du Chili. J'ai toujours un peu de mal a décrire ou raconter le lieu dans lequel je vis ; je ne peux le faire véritablement qu'une fois parti. Peut-être est-ce l'éloignement, la fin d'une aventure qui me pousse a regarder en arrière, un peu à la manière de celui qui tente une introspection, qui sait?
J'ai passé un mois entier à Santiago que je viens de quitter aujourd'hui même. Ah Santiago! Au fond comme capitale, cette ville n'est pas si différente d'une autre : métro, boulot, stress, artères tentaculaires qui s'étendent à perte de vue. Oh bien sûr ça n'est pas Paris. Je n'ai pas souvenir d'avoir connu la métropole parisienne en plein mois de Mai avec une telle régularité d'ensoleillement. Pas vu non plus des kyrielles de palmiers jalonner ses avenues. Évidemment il y a les centres commerciaux, les quartiers d'affaires, les bâtiments historiques, gouvernementaux, etc... Mais, comme quoi, parfois, tout ne tient qu'à de petits détails car à Santiago ce qui d'emblée m'a le plus saisi ce sont les transports en commun. Je ne parle pas du métro, made by France. Non, ce sont des bus dont je veux évoquer ici l'hallucinante vie qui y règne.
Faisons court : les bus (ou micros) de Santiago sont en grande majorité jaune tournesol délavé (mais il en existe aussi des violets) désossés au point qu'on se demande bien comment ils peuvent encore être en état de marche. D'ailleurs, à ce propos, il n'est pas rare d'en voir un en rade sur le bas-côté de la chaussée. De loin, comme ça, on les voit rouler à toute allure, se doublant, faisant toussoter leur moteur de 20 ans d'âge, klaxonnant. Parfois, on s'amuse de voir un type enrager après un micro qui venait de passer et ne s'était pas arrêté. La raison ? Simplement le pauvre homme était tout seul, et, à certaines heures et sur certaines lignes il n'est pas intéressant pécunièrement parlant pour le chauffeur de s'arrêter. Ultra-libéralisme et presque 20 ans de dictature militaire, voilà la raison.
Mais l'aventure commence véritablement une fois à bord. Là, de jour comme de nuit, croyez-moi, c'est extraordinaire. La première fois -on s'en souvient toujours dit-on- à peine le pied à l'intérieur que déjà le chauffeur redémarrait en trombe, portes grand ouvertes. Est-il utile de préciser qu'à cet instant précis si tu t'accroches pas fort à ce qui te tombe sous la main, tu risques gros ? Passées ces premières secondes d'incompréhension, je me rendis compte qu'un jeune garçon, un gitan, aux yeux d'or, au regard infiniment triste, était comme suspendu à une barre métallique, coincé à l'entrée du bus, à moitié dehors, à moitié dedans. Il chantait d'une voix qui sortait du plus profond de son coeur une lamentation d'une beauté à couper le souffle. Le chant, comme une ode aux disparus en était, dans ce contexte, presque pathétique d'autant qu'en regardant autour de moi les passager habitués à cet univers paraissaient, à l'exception de quelques sourires en coin, s'en ficher comme de l'an quarante. Et pourtant ce moment me laissa une impression fantastique de liberté. Un vent de liberté que je retrouvais le soir même en empruntant un autre bus qui, de nuit se transforme en une discothèque ambulante. Néons de lumière noire, musique latine à fond, rideaux violets tirés pour une jeunesse chilienne débridée qui exulte le temps d'un trajet.
Aujourd'hui, je débarque dans la deuxième très grande ville du Chili qui est aussi le port le plus important du pays : Valparaiso....je vous raconte pas!"